Il y eut après le bop une période d’accalmie assez courte, le « cool. S’illustra ici Miles Davis, John Lewis, Tadd Dameron. On cherchait moins à détruire les harmonies, déstructurer les thèmes, les jouer à des tempi inhumains qu’à produire une musique « cool », plus structurée, moins agressive que le bop même si elle lui devait pourtant beaucoup.
Le jazz « West Coast » fait son apparition avec, entre autres
Gerry Mulligan, Johnny Mandel, Chico Hamilton et Jimmy Giuffre. On reprend
ici les vieux tubes et on les modernise. Evidemment, ça ne pouvait
pas durer comme ça très longtemps. Avant le Free d’autres
musiciens révolutionnaires apparurent, issus directement des bopers,
mais plus violents encore, les « hard bopers. Comme leur nom l’indique
il s’agit d’un bop poussé en ses limites, quoique structuré
tout de même et moins dément que celui de Parker. Qui l’égala
jamais ? (Art Blakey et les Jazz messengers, Max Roach, Clifford Brown…etc.)
Le Free Jazz qui survient ensuite est nettement plus violent. Car, même
si Charlie Parker prenait des libertés énormes avec la tonalité,
tout au moins avec les règles d’harmonie classique, les musiciens
free explosent le système tonal. Ils se penchent dans le même
temps vers des musiques qui utilisent d’autres combinaisons pour découper
les fréquences, ils essayent de se libérer du concept classique
de Tension-Résolution qui ont pourri nos oreilles depuis si longtemps.
N’oublions pas que ces expériences n’ont rien d’original à
l’époque car la musique contemporaine a fait la même chose
depuis longtemps. Peut-être avec moins de violence toutefois. Voir
le « My favorites things », un standard tiré de la «
Mélodie du bonheur », gentillette comédie musicale
pour enfants que Coltrane réduit en poussière, transformant
l’aimable rengaine en un chant incantatoire et frénétique,
une lancinante mélopée basée sur la répétition
monotone et accélérée des deux accords principaux,
assénés vigoureusement par Mc Coy Tyner au piano.
Dans le genre le « All the things you are » de Albert Ayler
n’est pas mal non plus, il s’agit d’un adorable standard de Jérôme
Kern que les bopers avaient déjà mis à mal et qui,
revisité par Albert Ayler, devient carrément méconnaissable.
Ce n’est plus de la provocation, c’est l’art du pilonnage revu et corrigé
par Stakhanov. Dans le même temps on se tourne vers la musique indienne,
arabe, on essaye de sortir du schéma rythmique conventionnel des
mesures divisées en quatre temps, bref c’est le « chaos ».
Plusieurs musiciens de jazz se convertissent à l’Islam, c’est la
vision explosive des années soixante-dix, pas celle de Jean-Pierre
Marielle dans « Les galettes de Pont-Aven », mais plutôt
celles d’Andy Warhol voire de Kosuth ou de Journiac. Qui a dit que l’art
conceptuel était un art marxiste ?
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