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La sonate en si mineur

Elle représente sans doute l'œuvre la plus accomplie de la production pianistique de Liszt.  La sonate en si mineur est dans la lignée des Poèmes symphoniques. Elle en a l'ampleur et la grandeur orchestrale, ainsi qu'une grande liberté de forme pour cadrer au maximum à la pensée musicale de l'auteur. Avec cette oeuvre, Liszt atteint le sommet dramatique de son oeuvre pour piano.

La sonate en si mineur se présente sous la forme d'un seul et gigantesque mouvement de 30 minutes environ, selon l'interprète.

Toutefois elle ne rompt pas complètement avec le passé. Beethoven avait, en effet, utilisé le principe bi thématique de la sonate classique dans l'esprit d'un dialogue ou d'une lutte dramatique. C'est ce même esprit que va consacrer Liszt en l'exploitant avec une totale liberté.

La sonate commence par un Lento de sept mesures, très grave, "sotto voce" qui nous  plonge immédiatement dans le climat mystérieux et méditatif de l'œuvre. 


Introduction Lento ( gamme hongroise)

Sans transition, un Allegro energico où les deux thèmes principaux sont exposés immédiatement et successivement. Le premier, violent, volontaire, révolté, teinté de mépris, le thème de Faust ?



Thème 1 ( Faust  ? )

puis le second se présente sans transition ; il est brusque, sarcastique, railleur, méphistophélique ? ( Alfred Brendel ) :


Thème 2 ( Méphisto)  mesures 13 à 15

Un silence.......puis une lutte sans merci s'engage aussitôt entre ces deux thèmes. L'effet est saisissant, et contraste avec la façon dont ils ont été présentés. Pendant le développement les deux thèmes s'affrontent sans qu'aucun ne prenne le dessus sur l'autre.

Cependant, le thème de Faust s'impose peu à peu et triomphe en un fulgurant passage d'octaves staccato. Puis une sorte de coda impressionnante et sombre termine ce début en faisant revenir le motif initial de la gamme hongroise descendante, mais ici harmonisée.

Cet assez long préambule est suivi d'un épisode "Grandioso", lent, ample, profond et très solennel, construit sur un nouveau thème lyrique, très chaleureux, et dont l'harmonie est très riche.

Thème 4  "grandioso" mesures 105

Puis le thème 1, (Faustien), refait son apparition, traité  de façon mélodique, «dolce con grazia», orné d'arpèges. Il se déroule ainsi, avec beaucoup de grâce, jusqu'à ce que le retour du deuxième thème, toujours satanique  vienne l'interrompre brusquement. Ce même thème sarcastique va lui même se transformer en une sorte de nocturne qu'accompagnent des arpèges en triolets. Il se développe assez longuement jusqu'à une cadence piano où fusent des trilles.

Puis le combat des deux premiers thèmes reprend avec vigueur, Liszt démontrant tout son génie et sa connaissance profonde du contrepoint. (augmentations, diminutions, renversement, mouvements contraires etc.). Nouveau passage de haute virtuosité, violent et éclatant, que traverse parfois la gamme descendante du début. Après un nouvel épisode d'octaves issus du premier  thème, éclatent avec puissance, en grands accords, le motif du Grandioso, suivi  d'un court récitatif issu du premier thème, à nouveau les accords du Grandioso, un nouveau récitatif et pour finir l'épisode, une conclusion construite sur le thème sarcastique qui s'impose, incisif, tandis qu'il est largement survolé par le premier thème en accords. 

Un court  "Andante sostenuto" mélodique, très recueilli et attendri sert d'introduction à un "Quasi adagio" qui chante "dolcissimo con intimo sentimento" sur un motif issu du second thème. Après une courte cadence, le thème "Grandioso" réapparaît pathétique, suivi d'un nouveau développement, qui se termine sombrement par le retour de la gamme descendante initiale qui va mourir mystérieusement sur deux fa graves frappés comme par une timbale.

Sans transition, c'est un "Allegro energico" fugué sur les deux thèmes principaux, et qui, se succédant dès la brusque exposition, sonnent comme un échange de répliques violentes, agressives, ironiques. 

Après un bref passage, les deux premiers thèmes se heurtant avec force, s'affrontant, le premier en un passage d'octaves precipitato, le second en un unisson impérieux fortissimo. Le thème Grandioso revient, plus "hymnique"  que jamais. 

C'est à nouveau le passage de nocturne avec des variantes, qui s'anime peu à peu jusqu'à une Stretta quasi presto énergique, con strepito, bâtie sur le second thème. La gamme descendante du début passe de façon fulgurante puis crépite un dessin issu du premier thème qui ramène une nouvelle fois le motif du Grandioso. 

Une grande montée soutenue d'un puissant trémolo de la main droite, silence subit....

Un bref épisode "Andante sostenuto" très attendri suivi d'un "Allegro moderato" de quelques mesures fait revenir le thème sarcastique ( Méphisto), "sotto voce", qui semble venir d'outre tombe et résonner dans le lointain, survolé une nouvelle fois par le premier thème ( Faustien ) devenu serein ou résigné. L'œuvre se conclut Lento assai sur la sombre descente de la gamme hongroise du début que viennent couronner des accords séraphiques dans l'aigu, tandis qu'un si grave, comme un coup de timbale assourdi, vient mettre le point final à cette extraordinaire épopée pianistique vraiment unique dans l'histoire des sons.

Analyse réalisée d'après: 

Claude Rostand, Liszt, Ed. du Seuil, 1960


"La musique de piano et de clavecin" sous la direction de François-René Tranchefort.
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