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Liszt a créé la technique du piano moderne!

Combien de fois avons-nous entendu cela ?

Même si cela est vrai, il ne faut pas croire que cette évolution s'est produite en quelques jours voire en quelques mois. Ce qui est vrai, c'est que Liszt a bouleversé la technique du piano sans toutefois la révolutionner. Ce n'était pas un choix délibéré.

Le passage à la technique moderne ne s'est pas fait grâce à l'apport d'un seul pianiste, d'un seul compositeur ou d'un seul facteur de piano, car il ne faudrait pas oublier que l'évolution du piano lui-même, a joué un rôle considérable dans l'évolution de la technique pianistique.

La modernisation de l'instrument piano a contribué à la modernisation de la technique pianistique. Alors que Beethoven jouait encore sur un piano Streicher de six octaves et demi, Liszt possède dès 1842 de piano de huit octaves. La longueur des cordes change également et s'accroît grâce à la disposition en oblique. Les marteaux de cuir, trop lourds sont remplacés par des feutres, permettant ainsi des nuances allant de " ppp à fff ".  Le double échappement mis en place par Erard en 1822, permet un toucher plus nerveux et autorise la répétition rapide de doubles notes. Avec l'apparition du grand piano Steinway de concert en 1859, le piano moderne est né.

Czerny, dernier pianiste issu de la tradition mozartienne est encore très attaché à une technique issue de la technique claveciniste, avec une certaine égalité des deux mains qui restent près du clavier, le buste bien droit. Beethoven chahute tout cela dans ses dernières oeuvres, qu'il est quasiment impossible de jouer sans se servir de tous le bras. Chopin bouscule la tradition, en se servant de tout le bras et des épaules, comme le montre la composition de ses oeuvres les plus abouties, études et ballades en tête.

Liszt ajoutera le poids du corps en se servant du buste et multipliera les effets pianistiques, tant au niveau sonore qu'au niveau du rythme et de la dynamique.

C'est un dramaturge du clavier. Le piano de Liszt est un piano dramatique et pour se hausser à ce niveau expressif, pour communiquer toutes ses émotions à l'auditeur, il va devoir inventer une technique tout à fait personnelle et originale, inspirée toutefois des dernières trouvailles de Beethoven.

Cette technique n'en est pas moins entièrement nouvelle, avec ces thèmes en accords, ces traits de doubles notes, ces effets d'octaves, cette " grandeur " quasi orchestrale.

Il introduit également comme personne auparavant, des sauts à grands intervalles, de nombreux pizicatti, glissandi, trémolos, fait chanter une voix médiane au moyen des deux pouces,  etc...

Tout ceci, va transformer la technique du piano mais aussi la littérature pianistique et annoncer les compositeurs modernes comme Albéniz ou Debussy.

C'est au nom de la musique que Liszt a tellement innové. Il a créé une technique nouvelle pour la musique et non pas une technique pour la technique. Il a littéralement fait éclaté les formes classiques, toujours dans le but suprême de servir sa pensée musicale et non le contraire. C'est parce qu'il se sentait à l'étroit dans la forme classique, en particulier la sonate, qu'il a inventé le poème symphonique. Sa sonate en si mineur n'est rien d'autre qu'un formidable et sublime poème symphonique pour piano seul.

A la fin de sa vie, il consacrera une grande partie de son temps à l'enseignement en perfectionnement. Ses élèves sont tous des virtuoses, et il ne leur apprendra pas la technique, mais la lecture de la partition. La musique avant tout. La recherche de la meilleure interprétation possible.

Il lit et relit les partitions avec ses élèves et imagine l'interprétation la plus juste de l'oeuvre, la plus proche de la pensée du compositeur.

La technique au service de la pensée musicale !
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