Translation in English

 

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              Les origines du jazz sont fumeuses. Tout le monde le sait.
La Nouvelle-Orléans, les bateaux et leurs roues à aubes, les bordels de Storyville, les églises mélodieuses, et voilà le décor planté pour un remake musical de la case de l’uncle Tom.
            Il serait d’autant plus tentant d’entériner cette légende qu’elle satisfait tout le monde, des connaisseurs aux moins érudits, pour qui le jazz reste le porte-manteau idéal des illusions perdues, de la vie insouciante, alcoolique, rythmée, des années folles, du pagne-bananes de Joséphine ou du costard trois pièces de Louis Armstrong.


            On ajoutera encore ce qui fit sa gloire bien longtemps, avant que les conservatoires nationaux n’inventent la « Médaille d’or » de Jazz ! , l’expression de la contre-culture populaire, de l’émancipation, de la lutte contre le racisme et enfin d’une théorie libératrice de la musique engoncée dans des schémas classiques auxquels les couches populaires n’avaient pas accès, car la culture, Saint-Bourdieu l’a dit, n’est pas faite pour tous.
            Hélas ! C’est faux. Le jazz comme le classique, le baroque ou la musique indienne obéit à des lois, austères sinon draconiennes ; quant à ses débuts c’est vrai qu’ils font figure de joyeux bordel et de tribulations hétéroclites, plus liées à des impératifs commerciaux qu’à de scrupuleuses recherches en matière d’art expérimental.
            En outre, plus qu’à ses origines africaines, à ses racines puisant dans la source du Blues, et à tout ce que l’inconscient collectif peut lui coller sur le dos, le jazz doit tout à la musique classique, à la nôtre, l’occidentale, car c’est bien grâce à son « tempérament » qu’il a mis en forme les différentes inspirations dont il a pu se nourrir. N’importe, l’histoire du Jazz commence donc en Amérique au siècle dernier avec le ragtime.


            Plus que tout autre instrument c’est encore le piano, instrument tempéré par excellence, le responsable. Quelques rags de Scott Joplin pourraient vous donner une idée de cette époque. N’en écoutez pas trop. Ce n’est pas bon pour l’oreille. Essayez plutôt de vous procurer quelques enregistrements des orchestres d’alors, Blues, Dixieland, voire quelques blues chantés par Bessie Smith. Vous ne manquerez pas de noter ce qui fait la caractéristique essentielle du jazz de ses origines à nos jours : Le swing et l’improvisation.
            Le swing est une perception ternaire de la mesure binaire, avec forcément une accentuation très nette du deuxième et quatrième temps de la mesure. Evidemment.

 

  Louis Armstrong
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            Louis Armstrong restera celui qui partant de ce réjouissant bazar va instaurer les premières règles, celles tout au moins permettant à la plupart des musiciens de jouer ensemble selon des codes à peu près communs. Les critiques et les musiciens sont à peu près d’accord là dessus. Partant, le jazz peut évoluer, environ tous les dix ans va se créer un nouveau « stream », et devenir ce qu’il est devenu depuis longtemps déjà, la musique savante à laquelle nous faisions précédemment allusion.