D’aucuns,
moutons noirs de la chicane, se plaisent à dire que cette «
européanisation » du jazz éloigne celui-ci de ses origines,
qu’il perd ce côté flamboyant et naturel des improvisations
débridées du New Orleans, tandis que d’autres n’hésitent
pas à pincer les lèvres d’un air dépité à
la simple évocation du mot Swing, ne tolérant l’existence
de ce style que dans la mesure où sans lui le bop ne serait jamais
apparu.
Ces critiques outranciers font bien peu de cas de musiciens comme Fats
Waller, Gene Krupa, Benny Goodman. Peut-être même n’ont-ils
jamais écouté Coleman Hawkins dont le saxophone déchirant
et resplendissant dépasse les époques, les styles et toute
tentative de classification.
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La plupart en effet de ces musiciens
qui jouaient dans des orchestres de jazz étaient devenus des techniciens
accomplis, ils maîtrisaient parfaitement le nouveau langage qui s’était
affiné depuis les origines. Or le principe de l’évolution
jazzistique est sévère, il n’accorde environ que dix ans
à un « stream » pour s’épanouir. Ensuite il faut
innover. Il ne restera plus qu’à détruire les belles romances,
les tordre dans tous les sens, les jouer encore plus vite, pulvériser
les douces harmonies, les remplacer par d’autres plus turbulentes. Ce sera
le travail des bopers. Et leur musique fut si agressive qu’il y eut un
renouveau du swing alors même qu’il commençait à décliner
dans les années 1940.
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